08h00 : alors que nous avions prévu un départ vers 10h-10h30, nous nous levons assez tôt. D'autant plus que le soleil se lève très, mais très très vite en Louisiane (car très au sud), il me dégomme l’œil à travers la brodure du rideau. Nous prenons un petit déjeuner rapide, empaquetons toutes nos affaires et préparons l'itinéraire de la journée. Au programme, départ vers Patterson, petite ville de Louisiane à l'Ouest de Morgan City, mais au lieu de prendre par Houma puis vers l'Ouest, nous partons vers le Nord en direction de Lake Verret, car nous avons pas mal de points d'intérêt aux alentours de ce lac, et mon pifomètre nous promet quelques magnifiques décors. Nous débarrassons tout, chargeons la voiture et nous mettons en route.
10h00 : nous faisons un premier passage à une boutique de bric et de broc de Schriever que j'avais repérée la veille avec Guillaume, Edouard et Fabien. Nous y entrons sans conviction, rien n'est trop convaincant, puis le propriétaire assez nonchalant arrive et commence à nous déballer un tas de marchandises du pick-up, en particulier des caisses de vinyles. Pas de bol, j'ai vendu les miens il y a quelques semaines à un ami de Besançon pour financer le voyage, ce n'est pas pour refaire une collection. Là où Fabien me conseille une tête de bouc pour les photographies, mon regard est attiré par une caisse en bois ornée de tranches de faux livres. Et quand je l'ouvre, le presque-miracle : une compilation d'une vingtaine de cassettes 8-tracks, dont 3 qui me font vraiment ticket : Steppenwolf (je suis un grand fan), Iron Butterfly (en particulier "In a gadda-da-vida", un petit souvenir particulier avec Sylvain du Titty Twister Besançon) et Led Zeppelin. 15$, je craque : même sans la machine pour écouter ces cassettes, ça fera un bel objet souvenir, sinon une belle vente, sinon un beau cadeau. Nous reprenons la route.
10h30 : nous arrivons à la Laurel Valley Plantation de Thibodeaux, à une dizaine de minutes au nord de Schriever. L'endroit semble bien moins glauque que décrit la veille par le fils et la bru d'Amy. Néanmoins, parmi le tas de vieilles grandes et d'endroits agricoles, rouillés ou non, nous repérons quelques trucs assez bizarres qui ne nous auraient pas incités à venir s'y promener seuls de nuit. Entre autres : la peinture sur une vieille cabane d'un vieux sudiste de 2m50, en costume gris à épaulettes, avec la tête du père noël, brandissant un hachoir plein de sang ; de vieilles tronçonneuses à peine rouillées accrochées aux murs des granges, non sans rappeler Evil Dead 1 ou 2 ; et enfin, une espèce d'improbable mini-cabine en bois, de travers, aux proportions improbables, à moitié enfoncée dans le sol. Pour cette dernière, les photos (comme celles des autres articles) arriveront d'ici demain, mais comme je disais à Guillaume et Edouard, si je devais décrire une porte vers l'Enfer dans Tales of the Spooky South v2, ça aurait été par la porte de cette cabane aux traits si particuliers... Vous comprendrez mieux en visualisant. Nous faisons le tour complet, passons en mode berserk pour les photos, et le soleil finit par me jouer des tours alors que je ne suis resté qu'une demi-heure sans couvre-tête : le vent est frais, mais le ressenti est traître, et les UV m'allument, je frôle l'insolation. Je me pose quelques minutes à l'ombre en attendant les autres.
11h30 : nous partons de la Laurel Valley Plantation, néanmoins, on nous a parlé du Laurel Valley Village, où aurait été (me dit-on sur Internet, sans plus de vérification) tournées certaines scènes d'Angel Heart et d'Entretien avec un Vampire. On nous donne la direction, et on nous avertit sur la "communauté" qui est sur place et pourrait nous y chasser. On comprend, hélas, ce qui se joue ici : ce qui est considéré comme un vestige touristique ici par certains, les anciennes cabanes d'esclaves, est habité aujourd'hui par les communautés pauvres de Thibodeaux, qui y vivent faute de mieux, et doivent repousser les hordes de touristes blancs et riches qui vont et viennent dans leurs terrains comme s'ils étaient une attraction. Nous passons rapidement en voiture, en tendant de rouler au maximum au ralenti afin de ne pas nous arrêter et de pouvoir prendre un maximum de clichés depuis la route. Mes sentiments sont complexes : je suis à la fois très satisfait de pouvoir prendre en photo par le biais d'Edouard ce genre de décors ; en revanche, je me dis que cet alignement de cabanes d'esclaves (je repense à la visite de la Whitney Plantation l'an dernier) fait grandement penser à un camp de concentration avant l'heure, et désormais, des gens doivent encore y vivre. J'ai mal au cœur à y penser, à le voir. J'espère vraiment pouvoir réussir à faire passer une partie de mon ressenti aux lecteurs de Tales of the Spooky South v2, car c'est quelque chose d'assez... fort.
12h30 : après avoir emprunté pas mal de petites routes, nous arrivons vers notre nouvelle destination, Attakapas Landing, tout au bord du Lake Verret. La route est sinueuse, à ras-d'eau, et nous devons contourner un panneau "route innondée" pour continuer notre chemin. Notre belle Hyundai Sonata ne devait pas s'attendre à finir les pneus dans le bayou en quittant son garage de Nouvelle Orléans... Néanmoins, la route empruntée est magique, presque mythique, nous photographions à 360° en roulant à peine à 10mph pour profiter au maximum de cette bande de bitume à peine apparente au milieu des bayous. C'est magique. Nous arrivons finalement à notre destination : un coin de pêche dans la Louisiane profonde, où malgré notre grosse berline (surtout par rapport à notre véhicule de l'an dernier), nous faisons nabot à côté de tous ces pick-ups énormes tractant leur bateau sur remorque. A perte de vue, il n'y a que de l'authentique, du bleu (de l'eau), du vert (des arbres), des maisons atypiques. J'ai presque les larmes qui me montent aux yeux tant l'endroit est ... dans le thème de ce que je recherchais. Mais comme je l'expliquais à Guillaume : pour la v1 de Mississippi, je me suis inspiré énormément de lectures et m'en suis fait une image. Pour la v2, Tales of the Spooky South, je rajoute les visuels de ces voyages en 2e couche, afin de confronter mes fantasmes visuels à la réalité, et j'en suis presque dépassé. C'est magnifique, indescriptible, c'est à ressentir plus qu'à voir.
14h00 : nous avons repris la route, et au vu de l'heure (nous avons passé plus de temps que prévu à la Laurel Valley Plantation), nous décidons d'abandonner la visite du centre ville de Napoléonville et Bella-Rose, comme l'an dernier. Nous fonçons directement vers Pierre-Part rencontrer Adam Morales, propriétaire du Adam Cypress Family Museum, que j'avais aperçu dans un "Faut pas rêver" spécial Louisiane et Mississippi. Ah, que je suis content d'avoir trouvé ses coordonnées par Atlas Obscuras ! En effet, France 3 avait refusé de me divulguer ses coordonnées car, je cite : "Toutes les références ne peuvent figurer en raison de leur grand nombre.En effet, le service téléspectateurs ne fournit pas d'informations personnalisées, en dehors de celles présentées à l'antenne. De plus, les informations concernant les émissions diffusées il y a plus de 3 mois ne sont pas conservées.". Mouais. Très intéressant d'aller au fin fond du bayou de Louisiane, de rencontrer un mec, de lui faire parler de son artisanat, de lui faire perdre du temps, tout ça pour au final refuser de lui faire de la pub. Et bien, je peux vous le dire : Adam Morales, il est au 338 South Bay Road, Pierre Part, Louisiana 70339. Adam nous a reçu très chaleureusement, même si nous n'étions pas forcément rassuré par sa statue de Donald Trump en morceaux de cyprès peints avec "Make america great again !". Mais qu'importe nos convictions et les siennes, on venait constater de son art, pas de son opinion politique. Et on aurait eu si tort de s'en priver ! Après avoir été accueilli par sa voix rocailleuse mélangeant les mots anglais et français, nous avons été conviés au "grand tour", ce qui m'a permis d'obtenir ce que je voulais : être tout au cœur des bayous, et pouvoir tout prendre en photo. Alors, cela n'a pas été des plus rassurants : nous avons du marcher sur des planches posées ici et là, à peine au-dessus de l'eau, voire certaines en-dessous, et nous craignons à tout moment de finir par-dessus le bord. Adam nous montre ses sculptures, et la façon dont il "voit" les formes dans le moindre morceau de bois, ce qui est assez convaincant quand il nous montre ses œuvres terminées. Il nous montre également sa "sculpture" de Rougaroux. Alors, un Rougaroux, c'est quoi ? Un loup-garou cajun ? Et bien non. C'est le nom du Yéti, du Bigfoot ou du Sasquatch des marais, rien à voir avec notre werewolf francophone, malgré la ressemblance des noms. Adam nous fait ensuite visiter l'intérieur de sa boutique, avec beaucoup de sincérité, d'humanité et d'humour. Nous le laissons finalement pour reprendre la route...
15h30 : après un passage sur conseil d'Adam au Sacalait Sue's (un snack-bar local), nous nous restaurons rapidement, mais sans légèrement : burgers et poo'boys nous clouent à table. En revanche, la version américaine des Iced Tea en bouteille (Arizona) convainc peu. Pour se refaire une santé, Edouard et moi décidons de jouer à un jeu d'arcade sur place, un jeu de chasseurs. J'ai découvert, alors, que j'avais une dent contre les dindons, bien plus que contre les cerfs. Demandez à Guillaume, il vous l'expliquera. Nous prenons ensuite la LA-70, initialement en direction du P'Meaux Bait Shack : malheureusement, une fois sur place, nous apprenons qu'il est fermé depuis un an... Nous décidons donc de nous diriger vers notre nouvel appartement pour les 2 prochains jours. Nous faisons néanmoins une étape au Mosquito Bar, lieu que j'avais repéré pour ce dimanche, afin de se saouler jusqu'à plus soif en cas de mauvais résultat aux élections présidentielles françaises. Le bar est beaucoup plus au milieu de nulle part que le plan ne le laissant présumer. Mais par contre, qu'est-ce qu'il est bien, bordel ! La terrasse au-dessus de l'eau nous accueille le temps d'une Corona rapide, et les locaux (dont un groupe de 3 hommes venus en bateau ; oui, en Louisiane, madame, on va au bar en bateau) nous saluent chaleureusement et discutent de nos origines, de notre voyage et des raisons de notre venue. Comme disait Guillaume : "vivement juin, le retour à Paris, avec tous ces gens malpolis qui ne nous dirons pas bonjour, je n'en peux plus de ces gens agréables, polis et affables".
17h00 : nous arrivons enfin à Patterson. Notre AirBnB est une ancienne banque du début 20e rénovée en appartement. Personnellement, je commence à en avoir plein les pattes de la route (je sens que je ne conduis plus à temps plein depuis quelques années) et je suis ravi de pouvoir m'y poser. Je récupère les clefs dans la petite boîte avec code secret, j'ouvre, et... soudain, la gigantesque baffe dans la gueule. L'appartement est encore mieux que sur les photos, tout en mélange de briques rouges, de bois, de plaques de cuivres, de marque et de poutres en bois. Les chambres sont dans la salle forte, les réserves dans l'ancien coffre-fort, la cuisine est installée au niveau de l'ancien comptoir. Bref : j'ai envie d'y faire un jeu de rôle grandeur nature sur Tales of the Spooky South, là, tout de suite. Sous l'effet de surprise et de la fatigue d'une journée malgré tout bien remplie, nous décidons de nous laisser l'opportunité de chiller un peu (d'autant plus que cette année, nous avons prévu de nous laisser les week-ends pour cela, un mois à temps plein est trop éprouvant), et nous partirons demain sur Morgan City pour voir les monuments historiques.
... et malgré cela, la soirée s'est transformée en gigantesque réunion de travail, faisant plonger peu à peu Edouard vers le côté obscur du jeu de rôle.
And it was just the second day...
Ca donne envie tout ça!
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