7h30 : tout le monde sur le pont ! Nous avons pas mal de route et un planning serré. Guillaume et Fabien veulent visiter un peu plus la Nouvelle Orléans, nous avons décidé de zapper la Jefferson Island et de trouver un centre d'intérêt à mi-chemin entre NoLA et Lafayette (désormais renommée LaLA). Ce sera la Whitney Plantation : Fabien et Guillaume ne l'ont jamais vue, et c'est à mon sens LA plantation à faire en Louisiane (grâce au musée de l'esclavage qui s'y trouve) ; Edouard veut reprendre quelques photos car il avait été un peu pressé par le guide l'année passée ; pour ma part, je dois rechercher 2-3 bouquins supplémentaires pendant leur visite et faire un peu de réseautage. J'escomptais prendre par Morgan City afin d'éviter les embouteillages de Bâton Rouge (désormais renommée Béton Rouge). Peine perdue, au départ le matin, le GPS ne l'entend pas de cette oreille, et c'est au bout de 15 minutes que je réalise qu'il nous fait prendre la route que je ne souhaite pas prendre. Damned, raté. Comme prévu, nous nous payons pas loin de 40 minutes d'embouteillages en y passant, et comme la dernière fois, c'est sur le pont de la LA-10.
10h00 : nous arrivons enfin à la Whitney Plantation. Edouard, Fabien et Guillaume prennent leurs billets. Pour ma part, je dis que je ne fais pas la visite : la caissière m'avertit que je vais attendre 2 heures, mais qu'importe. Alors qu'ils embarquent pour le tour guidé de la plantation, je fais un quart d'heure le tour de leur boutique, puis discute avec une personne du staff pour demander un complément de bibliographie. Nous discutons une bonne demi-heure, elle me donne d'autres références sympathiques. Lorsque je demande s'ils ont un contact, en cas de questions après mon retour en france, jackpot : elle me donne la carte (avec mail et numéro de téléphone) du Dr Ibrahima Seck. Pas le footballeur, mais l'auteur de "Bouki Fait Gombo" (livre acheté l'an dernier), et avant tout l'historien qui a travaillé avec l'avocat propriétaire de la plantation pour créer ce musée. Victoire ! Satisfait, je retourne à la voiture bouquiner puis faire une petite sieste.
12h00 : l'équipe sort de la plantation. Nous reprenons la route vers la Nouvelle Orléans, déposer Guillaume et Fabien à leur hôtel, North Peter Street. Nous tentons un premier stationnement proche de l'hôtel, mais à 10$ l'heure, no way. Nous retournons au spot de l'an dernier, derrière le French Market : 3,50$ pour 1h10, déjà plus raisonnable. Nous descendons et partageons un dernier repas louisianais au Gazebo Café. A 13h40, nous nous disons au revoir et nous les déposons à leur hôtel, puis nous reprenons la route avec Edouard : les 4 Prohibition Killer Brothers ne sont plus, désormais, ils sont 2 et 2.
16h30 : nous arrivons à Henderson. Et qu'est-ce qu'il y a à Henderson ? Pas grand chose. Bon, si : il y a des décors magnifiques, on apprécie toute la beauté du Bassin de l'Atchafalaya (à vos souhaits). Mais on s'y perd un peu, et le GPS nous y perd aussi. Nous nous arrêtons à hauteur de l'Atchafalaya Club, au niveau de quelques bâtiments anciens assez sympa, et nous descendons pour faire du repérage et demander notre route. Au détour d'une vieille machine (de pompage ?) rouillée, nous croisons une jeune femme... occupée avec un bon milliard de chats. On attendra quelqu'un d'autre. En attendant, on fait le tour pour voir les spots sympathiques à photographier. Je finis par rencontrer un local qui vient de se garer, accompagné de sa petite fille. Au début, il est un peu sec quand je lui demande où est le Turtle's Bar. Mais quand à son "where are you come from, hu ?", je lui réponds "France", il devient tout gentil et me répond avec douceur en français, avant de m'indiquer la route (???). Nous reprenons Sonata et grimpons sur la digue, et arrivons enfin au Basin Landing Turtle's Bar. Et je n'ai qu'une chose à dire : quelle claque dans la gueule, mes amis. C'est probablement le plus beau village reculé et coin de bayou que nous avons pu voir jusqu'à maintenant. Toutes les maisons sont flottantes, les pontons aussi, la décoration est complètement décalée, faussement redneck assumée. On y trouve pêle-mêle des statues en métal de cochon volant, d'alligator chapeauté jouant du violon et j'en passe.
19h : je ne veux plus partir. Au premier verre, nous avons salué les gens (sans réponse) et avons profité de la terrasse. Au second, après quelques photos du coin, nous nous installons à l'intérieur (je profite de ma cigarette au bar, vestige du passé en France). Et là, au bout de 5 minutes, un à un, les locaux (majoritairement des hommes, tous au-dessus de la quarantaine) commencent à nous parler, un à un. On sympathise d'abord avec Tucker, celui qui organise les visites en hydroglisseur. Il nous explique qu'on doit faire la visite avec lui, c'est la plus belle de toutes. On cherche des excuses en mode "oui, certes, mais bon, elle est deux fois plus chère que les autres, donc, bon, non". Il nous montre ensuite des vidéos, et on se fait : sur l'une d'entre elles, il fait venir un alligator au bord du bateau, lui caresse le nez, le front, la mâchoire, puis lui prend la patte dans l'eau et lui fait un semblant de poignée de main. Insane. On nous dit qu'il est un "Gator Whisperer", un chuchoteur, en gros, qu'il murmure à l'oreille des alligators. Du coup, je récupère sa carte, et on voit pour faire la visite le lendemain (en effet, vendredi, il doit pleuvoir). Il nous dit que c'est la fin de la saison des amours chez les alligators, et nous montre un tas de photos. Fait très étonnant : il les a tous nommés. Un autre vient ensuite discuter avec nous (Henry, je crois) : la soixantaine, les cheveux blancs, il nous parle dans un français quasi-impeccable, nous pose quelques questions sur notre voyage et nous explique la situation du français dans le coin. Situation qui a l'air de changer tous les 25 bornes, de ce que j'en comprends (par exemple, ici, ils ne sont pas tant au courant des tentatives de Lafayette pour réapprendre le français académique en faisant venir des professeurs depuis la France). Un grand barbu à lunettes doté d'une jambe artificielle nous salue, tout souriant. Arrive ensuite Jean, qui ne sait pas parler français mais qui est bien enclin à discuter avec nous. On parle du coin, on parle musique, on parle des intempéries, on parle de notre voyage précédent, il nous dit que c'est aussi un bourlingueur qui a pas mal bougé ces neuf derniers mois entre la Louisiane, le Mississippi, l'Arkansas (où se trouve sa fille) et l'Alabama. Puis il insère quelques dollars dans le jukebox numérique et nous fait écouter quelques chansons cajuns. Je prends la suite, et me rappelle qu'on est dans un petit bistrot d'habitués, au fin fond de la Louisiane, où un mauvais choix musical peut signifier se retrouver pieds et mains liés, balancés au milieu de la zone de reproduction des alligators en pleine saison des amours sans espoir de survie. Je choisis donc la sécurité, mais aussi le symbole, et je lance un Born on the Bayou des Creedance Clearwater Revival (très rigolo à écouter... dans le bayou) sous les applaudissements des présents, puis Bad Moon Rising, Fortunate Son, et enfin Travailler c'est trop dur pour montrer que (merci Mountain Men et Julien Clerc) moi aussi, je connais un peu le folklore musical du coin. Nous finissons par décoller à contrecoeur : on a vraiment adoré ce petit coin de l'Atchafalaya. Fabien, hier, nous disait préférer la Nouvelle Orléans à Lafayette. Et je le comprends tout à fait ! Mais avec notre expérience de l'an dernier, je sais qu'on a beaucoup plus facilement accès à ce genre de rencontres, plus locales, plus authentiques, moins touristiques. Et, bon, aussi, j'admets, la Nouvelle Orléans, c'est le genre de coin où je me vois bien sortir de temps à autres (comme Paris). Lafayette et alentours, c'est le genre de coin où je me vois bien vivre au quotidien (comme Besançon). D'ailleurs, quand un vieux à lunettes, casquette et queue de cheval va voir Jean pour dire "c'est qui les deux nouveaux ?" et que Jean lui répond qu'on vient de France, il nous observe quelques minutes, me regarde et finit par dire "Oh, lui, il va finir dans le coin", envie que je confiais précédemment à mon interlocuteur. J'ai l'impression de me retrouver au Titty Twister Bar de Besançon en embuscade comme quelques fois en fin 2015 / début 2016, avec le gros lobbying pour me faire rester.
21h : nous sommes de retour sur Lafayette, après quelques photos d'Edouard assez exceptionnelles, captant le soleil couchant sur l'Atchafalaya. Nous arrivons de nuit et nous rendons directement à l'Artmosphere, pour la soirée scène ouverte. Cette fois-ci, nous n'allons pas sur la terrasse côté route, mais sur celle à droite du comptoir, plongée dans une lumière bleue quasi-surnaturelle. Nous commandons deux voodin burgers (notre petit péché mignon de l'an dernier) et un Crawfish'n'Grits en entrée. Pour ce dernier, je vais reprendre la description de la carte telle quelle : flavor packer combo of crawfish & LA. smoker sausage in a rich cajun cream sauce poured over our special roasted garlic cheese grits. Alors, je ne sais pas pourquoi, mais dans ma tête, je voyais 2 pots de crème et sauce, des espèces de bâtonnets (façons dips) et des morceaux à piquer au cure-dent. Non, finalement, c'est une assiette creuse avec une sorte de gratin crémeux qui arrive, et ça se mange à 2 à la fourchette, mais c'est délicieux, au point que le burger a du mal à se terminer. A un moment, pour faire de la place, Edouard veut déplacer la table, sans voir que son pied est déjà contre le mur, et sa bière se renverse aux 2/3. Ni une ni deux, le serveur lui remplace sa pinte, pleine, sans rien demander : on est agréablement surpris. A la fin du repas, je peine à avaler ma dernière bouchée de voodin burger, quand une jeune femme entre sur la terrasse et nous dit avec enthousiasme que nos têtes lui disent quelque chose, enfin, non, surtout moi, mais, oui, si, elle replace, elle m'a déjà croisé à la Nouvelle Orléans et une autre fois à Lafayette, et je suis un pote à John, si, si. Je tente de nier tant bien que mal la bouche pleine, sans grande réussite, jusqu'à finir par avaler ma dernière bouchée et répondre que j'en doute, car je suis de France. Elle est désolée et repart. Personnellement, je n'étais pas contre l'avoir déjà croisée. Il faut que je sympathise avec un John, dans le doute. Un petit quart d'heure après, la scène ouverte se lance, mais la chanson acoustique est accompagnée d'un chant pas mauvais mais tellement guttural que ça aurait été mieux avec une bonne disto métal et une boîte à rythme. Pas trop convaincus, mais surtout complètement tués par la route (j'ai quand même quelques heures de conduite dans les pattes), on décide de rentrer se coucher. Les deux prochains jours sur Lafayette, nos deux derniers, seront surtout administratifs, avec des rendez-vous et des prises de contact. Et, pour ma part, je commence à me demander quels sont les prérequis pour candidater aux postes de professeur de français sur place, pour dans quelques années...
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