mardi 17 mai 2016

Deep south trip, 16 mai : Beulah, Rosedale, Alligator, Clarksdale, ses juke joints, ses concerts, ses toulousains, et le premier flingue du voyage

Y'all are good ? 'Coz that's how we're talking here in the delta ! Avec un accent à couper au couteau de chasse !

Hier, notre voyage, c'était :

Bien
- Natchez de jour
- Le Fat Mama's Tamales
- Le Steampunk Coffee Roaster, plus pour son accueil que pour son côté steampunk
- Les bouquins du Old South Trading Post
- La vue du Mississippi depuis Natchez
- La Natchez Trace Parkway, superbe route entre Natchez et Jackson dont j'ai oublié de parler hier, limitée à 50mph, mais magnifique et boisée au milieu d'un site protégé
- Les Windsor's Ruins et leur côté mystique
- Port Gibson, même si ville fantôme
- Notre hébergement à Benoit
- Eustace, notre hôte, ses chiens, sa collection de vinyles

Pas bien
- Se faire troller par son GPS et manquer de tomber en panne sèche
- Une ampoule au talon droit qui s'infecte


Aujourd'hui, nous sommes partis sur la route du Blues, dans son berceau, le Delta.
Au programme :

- des bayous, des bayous, encore des bayous
- des carrefours qui n'existent pas
- des Juke Joints en état de marche
- notre première arme à feu
- des toulousains en bécane

On the road, again !


Lundi 16 mai, 13h30, Beulah & Rosedale, MS

Après une grasse matinée (enfin !), nous prenons la route vers Clarksdale, avec 3 étapes :
- Beulah, où a été tourné le film "Crossroads" en 1986
- Rosedale, où se situerait le carrefour légendaire où Robert Johnson a pactisé avec le diable
- Alligator, parce que le nom est rigolo
- Clarksdale, car nous y avons pas mal de trucs à visiter

J'ai déjà parlé du film Crossroads dans une note précédente, mais, en gros, prenez Karaté Kid, prenez son acteur, prenez le scénario, passez-ça dans le Mississippi à la poursuite de la chanson inédite de Robert Johnson, et vous avez un film relativement génial. Pour le coup, je vous autorise à arrêter de lire cet article et à vous ruez dessus. Poncez-moi ça vitesse grand V, ne serait-ce que pour la B.O. par Ry Cooder, qui avait déjà signé sur Southern Comfort.

Et bien, les lieux de tournage de Crossroads à Beulah... on ne les a pas trouvés :( la faute à pas assez de précision, et en dehors des grands axes assez peu intéressants pour cette micro-ville, on n'avait que de petits chemins de terre, sûrement très très bien, mais dans lesquels on n'avait pas trop envie de s'engager sous peine de se prendre une balle par un fermier comparable à un alligator (c'est à dire territorial). Mais peu importe ! A la sortie de la ville, entre Beulah et Rosedale, nous trouvons de part et d'autre de la route de magnifiques bayous. On en a un peu chié au début pour les prendre en photo parce que... ils étaient bordés d'arbres et donc inaccessibles. Mais après un peu de route, on a trouvé des coins parfaits, avec la gueule typique du marécage recouvert de mousse, avec les arbres au milieu du cours d'eau stagnante qui refusent de mourir et dont seuls les têtes survivent, comme un "fuck off !" balancé aux courants changeants du Mississippi. Le passage à Rosedale est beaucoup plus anecdotique : on traverse, on ne trouve rien, on repart. A Alligator, au moins, on a le luxe de photographier la plaque d'entrée de la ville ! Pourquoi ? Comme pour Kinder et Abbeville : parce que c'est marrant.

Lundi 16 mai, 17h00, Clarksdale, MS

Nous arrivons ensuite à Clarksdale et faisons une étape par Kroger pour m'acheter une bassine (pour faire un bain de pieds) et quelques conneries pour tenter de désinfecter ma mauvaise ampoule avant d'avoir à dépenser 500$ chez un médecin. Le personnel est particulièrement mal-aimable, comme la veille, et je commence à me demander si les origines asiatiques de notre amie Vithou ne jouent pas dans la balance... Une bouteille d'alcool, des pansements, du désinfectant et d'autres conneries plus tard, nous nous remettons en route. Nous arrivons au centre ville de la capitale présumée du Blues, où le Delta Blues Musem est... fermé parce qu'il est 17h (GNIIIIIIH!!!), puis nous nous arrêtons sur le pont pour prendre quelques photos, puis nous passons au liquor store. François nous a laissé ses dollars en parlant à la seule condition que nous les dépensions qu'en alcool fort, ce qui est chose faite, et nous décidons de prendre la même bouteille en cadeau pour Eustace, notre propriétaire, vu qu'il nous a offert une nuit d'hébergement. Nous choisissons du Four Roses Small Batch, parce que j'en ai d'excellents souvenirs. Et nous comptons lui offrir une bouteille, aussi, parce que dès le matin, il nous avait envoyé 3 textos pour lister tous les concerts possibles et imaginables à Clarksdale, avec à chaque fois l'heure et l'adresse. Quand je vous disais que ce mec était un amour...

Et donc, au liquor store, petite expérience rigolote. Nous entrons dans un commerce à 2 pièces : une avec différentes bouteilles (principalement des vins), et une autre, derrière le comptoir (fermé) avec les whiskeys & bourbons. Comme je suis myope, je n'y vois pas grand chose. Je demande à pouvoir passer derrière, ce que le vendeur accepte. Nous passons donc de l'autre côté, nous voyons les rayons whisky, son comptoir, un canapé où il est assis, une table basse où il y a sa bière, ses clopes et son flingue. Et son flingue. Et son flingue. Quand je vois ça (c'est du 9mm), je regarde très vite ailleurs afin qu'Edouard et Vithou ne s'inquiètent pas, mais, fun fact, chacun fait de même. Nous prenons nos bouteilles, on paie et on sort. Bordel, il y avait une arme chargée sur la table. Bordel. Ca fait bizarre même quand tout se passe bien. Nous nous rendons ensuite au carrefour central de la ville où plusieurs guides nous avaient vendus un ENOOOOOORME signe avec deux guitares qui notifiaient le carrefour légendaire. Que nenni : le machin est plus petit que le logo du fast-food voisin. Et les magasins proches, Crossroad et Crossroad furnitures sont un liquor store et un magasin d'audio de bagnole. Déception légère...

Nous suivons donc la 49 vers le Hopson Commissary Plantation, sans trop de conviction, sur conseil d'Eustace pour un conseil ce soir. Et une fois sur place, quelle claque ! Ce que nous prenons pour de vieux bâtiments agricoles peu avant sont en réalité des chambres d'hôte en mode rusty-punk (ne cherchez pas, je pense avoir inventé le terme). De vieux bâtiments précaires en taule et de vieux engins agricoles rouillés, les mecs ont fait un village hors de tout temps qui pète le feu quand on passe dans la rue voisine, c'est juste fabuleux. Au bout de la rue, nous tombons donc sur le Hopson. Plusieurs choses me choquent sur ce lieu, à divers niveaux :
- ça a l'air désert
- ça a l'air beaucoup trop grand pour un bar
- ça ressemble effectivement vachement à un juke joint dissimulé dans un vieil entrepôt
- sur le perron, il y a une réplique miniature du Hopson qui sert de niche au chien du Hopson (épique hopsonception)

Quand on rentre, le lieu est faaaaaaaaaaaaabuleux. Ca ressemble tellement à un saloon clandestin que j'ai presque envie d'y provoquer volontairement une bagarre pour que Edouard puisse prendre de bonnes photos. Le patron, d'une cinquantaine d'années, nous fait pas mal de blagues avec son accent à couper au couteau lorsque nous commandons deux bières plus un soft ("Ok, your coke, y'all want it with which bourbon ?"), nous nous installons à une table où les sièges sont en vieilles banquettes automobiles, un cendrier trône devant moi, un client voisin allume sa cigarette, un jeune du coin monte sur scène avec sa guitare pour jouer du Blues... Que demander de plus ?

Que demander de plus ? Du temps. A 19h30, nous avons un autre concert qui nous attend au BluesBerry Café & Bakery, au 235 Yazoo Avenue. Ce soir, au programme, Watermelon Slim & the Workers. On en profite pour manger sur place. Et on découvre assez vite que le monsieur n'est pas un rigolo : outre le fait qu'il parle très (trèèèèèèèès bien) français (et qu'il ne manque pas de charrier les allemands qui faisaient des blagues sur les français avant qu'on arrive) (hihihi, qu'ils sont gênés quand on révèle notre origine). Le concert est fabuleux, malgré les problèmes de micro pourri, à tel point qu'à un moment, le chanteur / harmoniciste / guitariste finit par jeter son micro en mode "A bad mike ? Who need a bad mike ? Who even need a mike ? Bad singer ? I don't care at all ! I'll sing without mike ! I'll play mouth-harp without any mike ! I DON'T CARE !", si bien qu'on le pense à la fois possédé par l'esprit du Blues, l'esprit du I don't care si cher à François et l'esprit du I have bad luck with microphone, tandis qu'il chante et joue de l'harmonica de table en table sans micro pour maintenir le volume. Franchement, c'est loin d'être un manchot, les morceaux n'ont rien à envier à ce qu'on a entendu à NoLa, et on découvre ce soir qu'il enchaîne les prix comme un sagouin depuis 2005 tant il est doué.

Vers 21h00, nous décidons de partir pendant l'entracte, car nous avons un peu plus d'une heure de route, et moi, ensuite, un talon à désinfecter. Nous le saluons, et il nous indique qu'il y a d'autres français dans la salle (je me dis bien que j'ai entendu un "SoRRy" aux "R" pas très protestants dans la salle). Nous abordons le groupe, et découvrons qu'il s'agit d'une bande de toulousains quadragénaires qui font Chicago - Nouvelle Orléans en motmo. Nous échangeons bons plans et bonnes adresses, impressions et ressentis sur les différents coins visités, et, sans avoir le temps de boire le canon (je reprends le volant, hélas, mille fois hélas), nous quittons les lieux pour rentrer à Benoît...

A suivre demain : Greenville, Eudora en Arkasas, bien d'autres choses, et moi vêtu d'une peau d'ours brun. Je ne sais pas ce qui est le plus effrayant : que nous ayons une peau d'ours brun dans le salon de notre logement (car la fourrure c'est mal), ou que l'ours brun ait été tué par notre propriétaire, car il y en cas dans le coin. C'est normal au Mississippi, comme dirait notre Edouard-Antoine Daniel local.

A demain pour de nouvelles aventures dans le Delta !

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