lundi 28 février 2011

Lycées japonais, youkais et katanas

Ce week-end, j'ai découvert trois choses :
- les habitants de Mons sont machiavéliques quand il s'agit d'empêcher les gens de rentrer chez eux
- je n'ai aucune volonté pour leur résister
- il existe des jeux de rôle où on peut jouer des lycéennes japonaises dotées de pouvoirs psychiques qui affrontent des démons, j'ai nommé Panty Explosion.

On m'avait proposé la partie mais ça ne me tentait pas plus que ça. Bon, avec le prolongement imprévu de mon séjour en Belgique, je me suis finalement retrouvé à table, me demandant bien ce que j'allais pouvoir y faire.

Bonne surprise au final, vu que la partie a été des plus sympathiques. L'occasion de faire un retour dessus et de se pencher sur quelques autres oeuvres sur les lycées japonais, les youkais (démons) et les katanas !
Panty Explosion, donc (moi aussi, le titre m'a rebuté plus qu'autre chose, m'imaginant un énième fantasme porno-tentaculaire), permet d'incarner des étudiantes japonaises qui, outre leurs histoires de lycéennes, vont devoir gérer l'apparition de démons. Niveau particularités du jeu, certaines possèdent des pouvoirs psychiques. A la création, chaque joueur doit choisir pour sa lycéenne une meilleure amie et une rivale. Lorsqu'une action est réussie, c'est la meilleure amie qui doit décrire l'action. Lorsque c'est un échec, c'est la rivale, sadique, qui doit décrire le vautrage. Chaque jour, les joueurs doivent faire un vote pour élire la lycéenne la plus populaire à la table. Cette dernière aura un bonus sur ses jets pour la journée (utilisation de d10 au lieu du d8), tandis que celle qui a recueilli le moins de vote n'aura qu'un malheureux d6, là où la réussite est de 5+. Enfin, chaque personnage a un objectif personnel, lié à son caractère et à sa vie de lycéenne. La réussite ou l'échec de la réalisation de cet objectif affaiblit (ou rend plus fort) le youkai final du scénario. Et donc, forcément, mon objectif était de... réussir à sortir avec un garçon de ma classe. Incarnez une lycéenne japonaise amoureuse qui tente de draguer, à l'occasion : vous verrez... ça pousse à une introspection profonde et une remise en question de soi, si j'ose dire.
Partie très sympathique, donc, mais quelques points à critiquer. Le jeu a quelques bonnes idées, mais est largement perfectible sur certains points : par exemple, la description des actions par la meilleure amie ou par la rivale sort un peu le MJ de son rôle de narrateur, ça mérite plus d'encadrement, éventuellement créer un système de réussite ou d'échec critique et réserver ces descriptions spéciales dans ces cas-là. Peut-être aussi mettre les personnages de plein pied dans le surnaturel (filles de prêtre/prêtresse, héritières de combattants contre le mal ou whatever). Et aussi jouer plus dans les petites villes ou la campagne : c'est probablement bien plus enclin à rencontrer des youkais que Tokyo, et la vie lycéenne y sera peut-être moins impersonnelle. Et pour ça, ça tombe bien, j'ai une excellente référence.

Ushio et Tora est un manga orienté shonen/supernaturel/youkais, parfois à la limite du seinen (plus sombre et plus adulte), publié entre 90 et 96. Un manga "vieille école", donc, avec ses défauts. Mais, néanmoins, si les débuts présentent des chapitres très épisodiques et un schéma assez classique, on se retrouve rapidement dans une ambiance oscillant entre l'oppressant (sans trop donner dans le glauque), le fantastique et l'humour, qui nous emmène dans une grande saga épique.
Ushio Aotsuki est un lycéen un peu rude et bourru qui a perdu sa mère et qui se bat souvent avec son père, prêtre itinérant. Un jour, en rangeant le temple de son père, Ushio tombe par hasard sur une trappe cachée jusque là. Lorsqu'il l'ouvre, il met à jour une ancienne cave, dans laquelle il a la surprise de découvrir Tora, un youkai. Ce démon aux allures de lion est cloué au mur par une lance, et demande au jeune garçon de la retirer afin de la libérer. Pourquoi ? Pour pouvoir le manger et faire un carnage dans la ville. Ushio refuse et enfonce encore plus la lance pour faire souffrir Tora. Alors qu'il remonte et referme la trappe de la cave, il constate rapidement que l'aura du démon orange attire de nombreux youkais qui vont s'en prendre à ses deux meilleures amies. Il décide de libérer Tora, qui lui promet de l'aider. Dès qu'il est libéré, Tora saute naturellement sur Ushio pour le dévorer, mais celui-ci, alors qu'il tient la lance, voit ses instincts combattants décuplés et remet le démon à sa place. La lance est la Beast Spear, une légendaire arme anti-youkai qui tient le démon en respect. Tora est alors obligé de s'acquitter de sa tâche et de détruire les démons qui avançaient vers le temple, et décide de hanter Ushio afin de le dévorer dans un moment d'inattention où il n'aura pas la lance en main.
Comme je vous le disais, le début fait très classique. Cependant, on s'attache assez rapidement aux deux héros de ce buddy-movie horrifique. Le bestiaire youkai-esque est particulièrement effrayant et sombre, très varié, et l'auteur a le chic pour amener de nombreux personnages secondaires terriblement attachants, qu'il s'agisse d'humains ou d'autres youkais. Et comme je le disais, malgré les apparences très épisodiques des premiers volumes, l'auteur installe rapidement une saga plus longue et plus construite, grâce à l'apparition progressive d'une menace supérieure, un youkai appelé Hakumen no Mono.
Le manga a été publié en 33 volumes. Malheureusement, il n'a pas percé dans notre bonne vieille Europe. Seules quelques OAV ont été exportées au milieu des années 90, mais elles ne couvrent qu'une toute petite partie de l'intrigue  et s'arrêtent brutalement. En revanche, depuis un an et demi environ, certains amateurs sur le net travaillent à fournir des scanlations (scans du manga original traduits) en anglais. Sans rentrer dans le débat de la légalité ou du bienfondé de cette pratique, je salue néanmoins le geste, sans quoi je n'aurais jamais pu découvrir cette série riche et prenante au bestiaire largement recyclable pour Panty Explosion ou tout autre jeu horrifique dans un cadre asiatique, moderne ou non. Bref, un must-read que je vous invite à lire, maintenant que vous savez que ça existe, google pourra assez bien prendre le relai.

Togari est un autre manga hélas trop peu connu qui donnait à merveille dans ce registre. Publié en 8 volumes entre 2000 et 2002, Togari commence directement aux enfers. Alors que chaque pêcheur est torturé, au quotidien, se régénérant à chaque fois mais subissant la douleur, au point d'être mentalement brisé, Tobei, lui, continue de donner du fil à retordre à ses gardiens. Depuis 500 ans, il cherche inlassablement à s'échapper, visiblement pas résigné à accepter son sort. Au grand dam d'Ose, son gardien, ange "muté" aux Enfers car considéré comme trop zêlé. Afin de canaliser la fougue de Tobei, la responsable des Enfers lui donne une mission : renvoyé sur terre armé d'un boken maudit, Togari, il va devoir capturer 108 "togas" en 108 jours. En cas de réussite, il pourra être libéré. Naturellement, il accepte, et Ose se voit obligé de l'accompagner afin de surveiller ses faits et gestes.
A défaut de youkais, les togas font de parfaits antagonistes. Sorte de pêchers incarnés, ils hantent des humains en leur insufflant confiance, arrogante et pensées néfastes, les poussant au crime et leur donnant assez de chance pour ne pas être inquiétés. Si la première réaction de Tobei est d'envoyer une droite au premier violeur qu'il rencontre, il constate deux choses : s'il blesse un humain, une malédiction lui inflige la même blessure, il doit donc se battre autrement ; ensuite, Togari est capable d'affecter un toga. C'est donc ainsi qu'il doit faire sa quête : en tuant les togas, qui, à leur mort, rendent les criminels sans défense. Soudainement, leur chance tourne, les preuves les accablent, ils sont mentalement détruits. Cependant, Tobei découvre aussi rapidement que sa mission n'est pas aussi simple, et que le rôle premier de Togari est de dévorer son porteur afin de soulager les Enfers des cas comme lui. Quand en plus, aux contacts d'une jeune japonaise qui l'héberge, il commence à retrouver ses émotions humaines et voit que sans ses instincts les plus vils, Togari n'est plus qu'un vulgaire boken impuissant. Ce qui arrive par exemple quand Tobei sauve par réflexe un enfant de l'attaque d'un Toga : sa bonne action le laisse sans arme face à son adversaire...
Une oeuvre courte, très sympathique, au trait parfois inégal mais au scénario capable de surprendre assez régulièrement. Sous ses airs de shônen classique, Togari se pose véritablement comme une expédition dans le maelström des émotions humaines et des frustrations quotidiennes liées à notre société. Un format court, peu de personnages, une fin assez juste, bref, une autre petite perle à découvrir.

Autre découverte du moment, le côté surnaturel en moins, Holyland se focalise sur Yuu, jeune lycéen timide et réservé qui devient naturellement le souffre-douleur de ses compagnons de classe. Frappé, humilié, racketté, il se referme de plus en plus sur lui, jusqu'à une rencontre inopinée avec Masaki, ancien boxeur qui a raccroché les gants pour embrasser la vie nocturne des voyous. Yuu commence alors à s'entraîner, à surmonter ses peurs et va se fortifier pour se battre afin de trouver et protéger l'endroit et les gens qui le feront se sentir vivant, sa terre sainte. Rapidement connu sous le nom de "Thug Hunter" après avoir défait des agresseurs à plusieurs reprises, il commence à être craint des loubards les plus faibles, et est presque respecté par ses pairs. Cependant, la violence attire toujours plus de violence, et rapidement il devient l'homme à abattre, une sorte de défi, une nuisance à éliminer dans la rue. Alternant victoires et défaites, sortant régulièrement marqué par de nombreux coups, il se trouve rapidement pris au piège de cette tornade de violence. Pire, lui qui était humilié, maltraité et méprisé, il réalise qu'il n'est attendu et respecté que dans et par la violence et finit par y trouver une sorte d'extase salvatrice, extase de laquelle son ami Shin va tenter de le protéger afin que la victime ne se transforme pas en agresseur.
J'ai découvert Holyland par hasard, et ce que j'ai beaucoup apprécié, c'est ce traitement de l'extase dans la violence. Les combats constituent une partie non-négligeable de l'oeuvre, mais l'aspect le plus intéressant à mes yeux est ce changement radical chez le personnage. Autrefois isolé par sa timidité, il finit par s'isoler de lui-même pour éviter que ses amis ne soient affectés par la tornade de violence qui tourne autour de lui et de sa réputation de "Thug Hunter". Mais surtout, il finit par s'isoler à cause de l'extase du combat et de la force, à la fois inquiété et attiré par le fait d'évoluer d'un statut de victime à celui d'agresseur. Dans Holyland, la violence n'est pas belle, les vainqueurs ne sont pas des héros, et à la fin des combats dans les terrains vagues, tout le monde fuit au bruit des sirènes. Tout cela sonne ma foi très juste, en tout cas assez pour se pencher dessus.

Un peu de légèreté pour finir, avec Sakigake!! Otoko Juku, un manga qui n'aurait probablement pas passé l'archipel s'il n'avait pas été déterré par Namalain, "scanlateur" déjà responsable de la redécouverte d'Ushio et Tora. Un manga vieille école aux graphismes approximatifs, aux ficelles scénaristiques grossières, aux résurrections fan-service... Mais on s'en fout. C'est d'un plaisir coupable que l'on lit ce manga. Au Japon, l'école d'Otoko Juku rassemble sous sa bannière des voyous pour les entraîner de manière ultrapatriotique, dans une discipline de fer, parodiant à l'extrême l'ultranationalisme, le patriotisme et le "fighting spirit" de l'archipel nippon. Momotaro Tsurugi, chef des élèves de première année, gère d'abord ses troupes dans une série de gags sur la vie quotidienne de l'école, puis contre le chef des secondes années, le précédent chef des premières années expulsé de l'école pour avoir tué un professeur, puis les sinistres élèves de troisième année qui gèrent l'école d'une main de fer. Ce, jusqu'à ce que tout ce petit monde s'allie pour représenter l'école d'Otokojuku dans un tournoi d'arts martiaux mondial aux spécialités les plus exotiques les unes que les autres. Combat au monocycle (???), avec des serpents, sur des arènes de lave ou d'acide, techniques secrètes à base de piranhas, de lucioles ou d'abeilles, c'en est jouissif tant c'est n'importe quoi. Sans oublier les grands clichés du genre, l'amitié, les sacrifices héroïques (mais peu importe, on ressuscite presque toujours), les super techniques du temple sacré de la montagne de l'est du méchant contrées par les super techniques du temple sacré de la montagne de l'ouest que connaissait secrètement le gentil au passé inconnu... C'est n'importe quoi et c'est ce qui fait le charme de ce manga, qui, je pense, n'a pas d'autre but que de l'allègement cérébral après une journée chiante au boulot. Ou, un peu, comment le collège fou fou fou aurait fait une improbable rencontre avec Ken le Survivant, et où les élèves de troisième année partaient parfois en mission contre "l'ennemi". Lequel ? Peu importe : tant qu'on est un mâle et qu'on défend les valeurs de la justice, du combat et de l'amitié, tout le monde peut servir d'ennemi.

2 commentaires:

  1. "les habitants de Mons sont machiavéliques quand il s'agit d'empêcher les gens de rentrer chez eux"

    Pour t'empêcher de rentrer chez toi ? Mais tu étais chez toi ...

    Étienne

    RépondreSupprimer
  2. Etienne : pas encore, pas encore... mais on y travaille !

    RépondreSupprimer